La lettre

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Dame Alminar’han se tenait en haut des marches menant au petit pavillon finement ouvragé, au cœur de son jardin intérieur, protégé du vent et du sable, petit oasis miraculeux en un tel endroit. Elle tenait contre son cœur la lettre qu’elle venait de recevoir, celle qui elle le savait déjà scellerait le destin de Vivacia. Elle aurait aimé la jeter, la brûler, ou ne jamais la recevoir, mais au fond elle savait que c’était ainsi que les choses se passeraient. Elle l'avait su dès l’instant où elle avait posé les yeux sur Vivacia. Et puis il y avait la menace d’Akwol et de Magraff qui l’un influençant l’autre, ne tarissait pas de critiques envers la jeune Wol. Il valait mieux que Vivacia s’éloigne avant que le gouverneur ne s’en mêle.

Dans le palais, dans les couloirs, quelques uns s’offusquèrent du courant d’air qui dérangea un instant leur paisible vie, tandis que d’autres discrètement sourirent au passage éclair de la protégée de Dame Alminar’han, courant toujours ici et là, comme un clin d’œil au vent qu’ici ne soufflait pas, brisé par les enceintes.

Le pas léger marquant à peine le sol du palais, sortit pourtant Dame Alminar’han de ses réflexions. Pas à peine audible, d’une Vivacia toujours aussi rapide à réagir. Elle n’était pas surprise.

- Te voilà déjà, dit-elle en se retournant, son sourire aussitôt remplacé par une mine réprobatrice.
- Vivacia ! Tu es encore vêtue comme une vagabonde ! Qu’est-ce que cette tenue ? Une jeune femme de la cour se doit de porter une robe et…

Elle s’interrompit, sachant pertinemment que son discours ne valait pas mieux que le sable emporté par le furvent.
Vive elle, se mordit la langue d’avoir omis ce détail. En principe, elle serait passée par sa chambre afin de se changer, avant de venir trouver Dame Alminar’han mais…. Dans son empressement, ça lui avait échappé.

- Si les robes sont tenues de circonstance parmi les belles dames de la cour, elles sont toutefois déplacées pour qui veut se promener au marché ! Et puis, ajouta Vivacia le regard pétillant, elles ne sont guère pratique pour qui veut se dépêcher d’accourir à votre appel, ma Dame.

Vivacia s’inclina avec grâce, surprenant au passage l’éclat dans le regard de la palatine. Elle se savait déjà pardonnée. Mais comme Dame Alminar’han ne semblait pas pressée d’évoquer le courrier reçu, courrier que le regard vif de Vivacia ne manqua pas de remarquer entre ses mains, celle-ci aborda directement le sujet.

- Pipeau m’a dit que vous aviez reçu un courrier, quel est-il ma Dame ? Enfin si vous me permettez cette indiscrétion, ajouta Vive en baissant le museau.
- Je te pardonne ton indiscrétion, Vivacia, mais pas tant d’empressement. Il faut savoir se montrer patiente pour obtenir ce que l’on désire. Oui je sais, la patience n’est pas l’une de tes plus remarquables qualités.

Vive grimaça un sourire, c’était peu de le dire, mais rares étaient ceux à ne pas le savoir. Patience, oui mais que contenait cette fichue lettre ? Patience, dame Alminar’han semblait jouer de ce suspens qui rongeait l’âme de Vive.
Dame Alminar’han soupira.

- Ce sont des nouvelles…

Vive redressa le museau, le regard perçant suspendue aux lèvres de sa protectrice.
- Des nouvelles ?
- Des nouvelles de l’escadre d’Or.

Vive écarquilla les yeux, sentant son corps parcouru d’une boule d’énergie, comme si soudain elle avait subit un sort d’électricité, menaçant de la court-circuiter.

- L’escadre d’Or ?? Et que disent-ils ? Que dit la lettre ?
- Que dans quelques jours, le Voldor et son escadre s’amarreront au port.
- Le port, ici ?? Ici à Irkwalf ??
- Bien sûr ici, pourquoi aurais-je pris sinon la peine de t’en parler ?
- Oh…. Oh, quelques jours.. quelques jours… c’est très bientôt ça !

Vive se mit à marcher de long en large dans le jardin, son esprit soudain fourmillant de milles pensées, court-circuitant celles qui étaient les plus sensées.

- Ils vont venir.. il faut que je le voie, il faut que je me prépare, il faut que…
- En effet, la coupa Dame Alminar’han… Il faut que tu te prépares. Tu vas avoir à faire un long voyage.

Ce fut comme si Vive venait de recevoir une claque, mais de celles qui ne font pas mal, bien au contraire, mais qui laissent autant sonné qu’un coup sur le museau.

3.

- Un voyage mais !... et ma formation ?
- Justement à ce propos, le Maître veut te voir.
- Maintenant ? Demanda encore Vivacia, s’apprêtant déjà à faire demi tour.
- Dans un instant. Il faut que je réponde à mon ami, et puis que j’envoie un courrier aux capitaines du Voldor en espérant qu’ils le recevront à temps.

Milles questions se bousculaient dans la tête de la wol, pourquoi ce voyage ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi écrire une lettre ? Pourquoi, pourquoi, pourquoi. Tout ce qu’elle savait, c’est qu’elle avait évoqué depuis longtemps son histoire et celle du Voldor à Dame Alminar’han et si celle-ci s’était montrée une auditrice attentive et amusée, jamais jusque là, elle ne lui avait laissé croire qu’elle l’aiderait un jour à poursuivre sa quête. Au contraire, Vivacia s’était imaginé que sa protectrice faisait tout pour la garder à ses côtés. Et de plus en plus ces derniers mois, elle songeait à lui fausser compagnie, craignant de se retrouver liée à jamais à ces terres.

- Écrire aux capitaines, pour leur dire quoi ?
- Pour leur demander s’ils veulent bien engager un écrivain à bord.

Vive écarquilla les yeux et protesta vivement :

- Écrivain ? Mais non !! Moi je veux être protecteur !Enfin protectrice. *grimace*
- Protectrice ? Mais enfin Vivacia, sois réaliste, ce n’est pas avec ta formation acquise auprès du maître d’arme que tu vas pouvoir devenir ….une protectrice. Tu n’imagines pas ce que ça signifie de devenir une protectrice. Et que fais-tu de ton amour pour les langues? Je croyais que tu aimais ça, le beau verbe et les belles histoires !
- Oui mais.. *air dépité*… je préfère me battre ! Déclara-t-elle avec entêtement. Et puis je n’ai pas besoin que vous demandiez l’aumône. Je veux qu’on m’engage à bord pour ce que je vaux, et non pas parce que je suis la petite protégée de Dame Alminar’han.
- Vivacia… murmura la palatine d’un air triste.

Vive le réalisant aussitôt, s’approcha pour caresser la joue de sa protectrice, avant de se serrer contre elle.

- Désolée, Dame Alminar’han. Je ne voulais pas vous faire de la peine. Je ne veux pas non plus vous paraître manquer de reconnaissance pour tout ce que vous avez fait pour moi. Car ça même les plus beaux mots ne sauront vous prouver ma gratitude. Mais c’est important pour moi, de faire mes preuves, de leur montrer qui je suis.

Dame Alminar’han serra ses bras autour des épaules de la jeune wol. Elle tenait tellement à elle.

- Je sais Vivacia, je sais. Et je comprends parfaitement. Je te laisse en discuter avec le Maître. Il saura te guider vers un apprentissage qui te conviendra mieux que je ne saurai le faire. Il connait mieux tes capacités que moi, du moins dans le domaine du combat.

Elles restèrent liées dans cette tendre étreinte un instant encore avant que Vive n’y mette fin, s’écartant pour plonger ses yeux bleus dans ceux si sombres de la palatine.

- Je croyais que vous vouliez me garder auprès de vous, pourquoi me proposer ce voyage aujourd’hui ?
- Parce qu’il est temps comme tu dis de leur montrer ce que tu vaux.
Dame Alminar’han lui sourit et la poussa gentiment.

- Allez file, va trouver le maître.
- Bien ma Dame.

Vive fit un prompt volteface , et courut vers la sortie, mais brusquement à la porte, elle se retourna.

- Vous ne leur direz pas n’est-ce pas ?
- ?
- Ne leur racontez pas qui je suis, ne leur demandez pas de m’engager à leur bord. J’aimerai qu’ils le décident eux-mêmes. J 'aimerai voyager incognito, vous comprenez ?
- Je comprends….

Et sans plus attendre, Vive disparut dans les vastes couloirs du palais, afin de se rendre à la salle des armes. Elle aurait pourtant du suivre le conseil de Dame Alminar’han au sujet de la patience, car elle aurait songé alors que Dame Alminar’han n’avait rien promis.
Cette dernière retourna à ses appartements, et s’installa à son secrétaire afin d’écrire deux courriers. Le premier pour remercier son ami des informations au sujet de l’escadre d’Or, et le second fut adressé à l’Amiral Lars’kin.

Dans la salle d'armes, la Maître était en grande discussion. Vive, impatiente, dut se résigner, et tendit l'oreille, pour savoir quelle était la raison qui pouvait la faire attendre.

De fait, le maître d'armes parlait à voix basses et c'était difficile de savoir de quoi. Elle parvint juste à saisir le mot "horde", "Poursuite" et "Extreme-Amont", avant que sa présence n'attire l'attention.

Le maître d'armes salua alors les deux autres Palatins qui s'entretenaient avec lui et se dirigea vers Vivacia.

-"Alors, quel vent t'amène, Vive ?"