Etape 1

La caravane suivit la route fixée par son chef.

Comme toujours, le silence meublait le silence, car personne n'avait le temps, sous plus de 40°, de parler. Bientôt, la température atteindrait au moins 50°, si ce n'est plus. Le vent était léger, à peine une brise, ce qui, certes, éloignait le spectre d'un stamino, mais laissait présager d'une longue et très chaude journée.

Julawaf veillait au grain, mais il n'y avait guère de dangers dans ces dunes de sables.

Finalement, après 4 heures, Kowun inclina la marche vers l'est et après une nouvelle heure, ils finirent par arriver dans une petite vallée, coincée entre plusieurs dunes. Un étang devait en être toute la richesse et Julawaf se demanda ce qu'ils pouvaient bien venir chercher ici.

Et pourtant, ils furent accueillis comme s'ils étaient attendus. Trois Wols, deux épagneuls et un labrador, menèrent la caravane vers une vaste structure circulaire. De fait, des dizaines de ballots étaient entassés, attendant que quelqu'un s'en charge. Apparemment, ceux qui allaient s'en charger, c'étaient eux. Julawaf n'aima pas cela d'emblée. Village perdu, ballots déjà constitués et, surtout, Kowun, qui ne manifesta aucune curiosité devant ce qu'il devait transporter.

Elle ne put s'empêcher d'aller le voir.

-"Kowun, je ne comprends pas. Pourquoi ne vérifie-on pas les ballots ?"

-"Parce que le client a demandé qu'on ne le fasse pas. Au prix où il paie, je ne vais donc pas le faire."

-"Et si quelque chose menaçait notre caravane ?"

Kowun ricana.

-"Notre ? Parce que maintenant, tu penses que quoique ce soit ici soit à toi ? Écoutes bien, petite protectrice, ici, le chef, c'est moi. Cette caravane, c'est mes sels qui l'ont payée. Toi, je te paie uniquement pour protéger la caravane contre les dangers extérieurs, pas pour vérifier ce que nous transportons. Est-ce clair ?"

Julawaf n'aima pas du tout cette remontrance. Cependant, il avait raison au moins sur un point. Il était le chef, et il décidait. Mais la sécurité, qui la concernait, visait autant ce qui se passait à l'extérieur que ce qui pouvait se passer à l'intérieur. Très bien. Il avait décidé de ne pas lui répondre. Elle finirait bien par savoir, car elle devait savoir. Dans le fond, peu importait ce qu'ils transportaient. Si cela n'était pas légal ou lui déplaisait, elle pourrait simplement quitter la caravane dès la fin de la mission. Mais, elle devait savoir si c'était source de risques.

Elle s'éloigna donc, pour monter sur la plus haute colline, afin de vérifier les alentours.

Quand il vit les ballots et repéra les trois Wols qui parlaient avec le chef de la caravane, il sut tout de suite qu'il pouvait rentrer.

Il avait enfin d'excellentes nouvelles...

Profitant du vent en sa faveur, il se laissa glisser au bas de la dune et se slaloma dans les creux pour revenir sur ses pas afin d'échapper à la vigilance de la Protectrice.

La caravane quitta le village rapidement, Kowun ne souhaitant pas y rester plus longtemps. La caravane se mit en marche, chacun trouvant sa place au sein de la colonne.Désormais, elle avançait lentement, les caravaniers étant désormais à pied. Kowun était en tête, car il était bien le seul à connaitre le chemin qu’il comptait suivre. Derrière lui marchait le Géologue, dont la tache était aussi de veiller à la qualité du terrain sur lesquelles la caravane allait devoir s’engager. Les autres trouvaient leur place fonction de leur ancienneté, le Chasseur ayant charge de fermer la marche. Ce n’était pas forcement sa place,car il était aussi utile que le Géologue pour détecter en avance les possibles dangers de la route suivie. Mais dans le cas présent, il était aussi, avec Julawaf, le seul ayant de bonnes aptitudes au combat. Il était donc responsable de l’arrière-garde et, autant qu’il le pouvait, il veillait aussi aux alentours pour détecter toute menace animale.

Julawaf, elle, était libre de ses mouvements. Elle avait choisi de marcher en avant, pour tenter de devancer toute menace éventuelle. Ce choix avait ses contraintes, car Kowun n`avait pas souhaite lui faire part de son itinéraire, aussi arrivait-il souvent qu’il change sa direction de marche alors qu’elle était loin. Elle le soupçonnait même de le faire exprès. Ce n’était pas tant que cela la forçait à accélérer l’allure pour les rattraper, que durant ce temps, la caravane n’était plus sous sa protection.

Durant les jours suivants, malgré ses remarques, Kowun ne modifia nullement son attitude, et leur relation commença à se détériorer. De fait, il prenait un certain plaisir à lui rappeler souvent qu’elle n’était qu’une disciple, et, qui plus est, une femelle. En outre, il prit toutes les précautions pour l’empêcher de vérifier la nature des marchandises que transportaient les chameaux. Julawaf n’était sans doute pas d’une intelligence brillante, mais elle n’était pas idiote non plus. Elle finit par se dire que Kowun avait sans doute volontairement choisi une Protectrice et non un Protecteur, parce que sa vision réductrice sur le rôle des femelles, très commune chez les Pousse-Sables, l’avait amené à penser qu’il aurait ainsi plus facilement la main sur elle. à l’évidence, il savait, bien avant de négocier sa caravane, qu’il allait transporter des marchandises douteuses. à Irkwalf Melomdra, il n’avait fait que donner le change. Cette information était inquiétante, parce qu’elle ne pouvait pas savoir si le secret de la caravane avait été compromis ou non. Tout dépendait des conditions dans lesquelles Kowun avait fait affaire.

Mais Julawaf ne pouvait rien faire. Elle était sous contrat et les commentaires à son sujet du chef de la caravane créeraient sa réputation, ou la détruirait. Elle ne pouvait donc qu’accepter son attitude, tant qu’il donnait au moins l’illusion qu’il la respectait. Et puis, sa mission était bien de protéger la caravane, pas d’enquêter sur ce qu’elle transportait. Simplement, elle aurait préféré en être informée pour mesurer l’échelle de risque de façon juste. Quoiqu’il en soit, elle décida de relever sa vigilance.

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