Equarrissage

Korp fut ramené et jeté dans sa cellule. Les gardiens firent attention, car il n'aurait pas fallu que le prisonnier soit en mauvais état pour le lendemain.

Mais ils l'insultèrent copieusement et ne se privèrent pas de raconter à haute voix le dernier équarrissage auquel ils avaient assisté.

Quand l'heure du repas vint, ils lui amenèrent sa pitance pour la lui enlever sous le nez.

Tu crois pas qu'on vas te remplir les boyaux de bonne chose alors que demain, tu vas les sentir se déchirer. Faudrait pas gâcher quand même...


Korp se mit alors dans un coin, songeant à tout ce qu'il avait accompli et à l'injustice dont il était l'objet. De fait, il tentait de se mettre en accord avec Yrotz pour que la terrible condamnation qui lui était tombée dessus ne produise pas ses effets. Mais il lui manquait un prêtre pour cela, car seuls les prêtres pouvait préparer une âme à voyager sans corps. Il espérait juste que Yrotz saurait lui donner ce droit...


Tard dans la nuit, alors que les gardes avaient disparu, une silhouette s'approcha. Quand elle fut proche de la grille, elle dévoila son visage. L'Adminsitrateur Impérial !

- "Mon intime conviction est que ce pourceau de général a tort. Mais je ne peux pas le mésestimer encore, pas tant que les preuves de sa nullité ne sont pas probantes. Il est d'une grande famille et toi tu n'en as plus aucune. Mais je ne suis pas venu ici pour cela. J'ai un marché à te proposer. Demain, nous exécuterons un autre Eke à ta place. Et toi, qui n'aura plus ni passé, ni nom, ni soutien de l'Administration, tu vas t'enfoncer dans ces maudits déserts venteux à la recherche d'un autre Eke. Tu ne reviendras pas que tu ne l'ais pas trouvé. Tu es un Eke d'honneur. Je ne proposerai ce marché à personne si je ne savais pas pouvoir me fier à sa parole. J'imagine aussi que tu aimerais sans doute redevenir le Commandant des Corbeaux Pourpres. Je peux le faire."

Un reniflement.
-"Il fait humide ici. Alors, pressons. Qu'en dis-tu ?"

Je me levais et m'approchais de la grille pour regarder de plus près le visage de l'Eke qui tenait dorénavant ma vie entre ses mains. Ses paroles résonnaient encore dans mon esprit : il m'offrait un sursis.
Voilà qui était bien inespéré dans ma situation.

Je le regardais dans les yeux pour tenter de percevoir ses intentions réelles, mais au fond, qu'est ce que cela changerait. Je le savais déjà, il avait été clair : il ne me faisait pas cette proposition pour me sauver, mais parce qu'il avait besoin de mes compétences.
Ainsi, il me proposait de "mourir", de "disparaître" de ce monde, car ce n'était pas de mon "nom" ni de mon "passé" dont il avait besoin, et de recommencer une vie "neuve".

Par contre, je ne comprenais pas sa dernière allusion. Pourquoi me faire miroiter quelque chose d'incompatible avec la vie qu'il me proposait ? Je ne doutais pas de son influence et de sa faculté à pouvoir "aider" quelqu'un à obtenir un tel poste dans des conditions "normales", mais là, il lui faudrait beaucoup d'arguments pour convaincre le haut commandement de l'armée...
D'un autre côté, je ne le voyais pas me mentir, pour la simple et bonne raison qu'il n'en avait pas besoin : la première partie de son offre était déjà bien suffisante.
Cette dernière proposition m'intriguait vraiment...
Etait-ce juste un moyen de s'assurer de mon accord à sa proposition ?
Etait-ce pour me faire comprendre l'importance que revêtait cette mission à ses yeux ?
Etait-ce une sorte de dédommagement pour le verdict qu'il avait du prononcer à l'encontre de ses convictions ?
Dans le fond, peu m'importait... l'avenir me dirait bien assez vite ce qu'Hïtsed me réservait...

J'avais été formé pour survivre, et de toute façon, Karkos m'avait déjà tué en me destituant de mon poste de Kommander. je n'étais donc plus à une mort près.

J'accepte, Braw Wortun. Je retrouverais cet Eke, où qu'il soit, où je ne reviendrais pas.

-"Cet Eke est le fils d'un personnage important de notre Empire. Il a quitté l'Arche il y a maintenant vingt jours, et a jeté l'ancre au nord de l'Eken-Tankra pendant trois jours. Puis, il devait venir ici et il n'est jamais arrivé. Une recherche a permis de retrouver l'épave de son bâtiment en Mouf' Kundu-Malawak. Son corps n'était pas parmi ceux que nous avons ramassés. Nous pensons qu'il s'en est sorti. Il faut qu'il s'en soit sorti. Et tu vas le trouver et le ramener."

Il marqua un temps de pause.

-"Il a un nom d'emprunt. J'ignore lequel. Tu cherches un Eke survivant d'un de nos bâtiments. C'est tout ce que je sais."

en bon soldat, j'écoutais mon ordre de mission.
Il était simple : retrouver un inconnu dans un désert.
ça ou la mort, le choix était vite fait.

Quand pourrais-je partir ?

-"Cette nuit. Bien sûr, puisque tu seras équarris demain, inutile de dire que tu n'as plus aucune existence tant que tu n'as pas rempli ta mission. Il est évident qu'il ne saurait y avoir de témoin à cette affaire.", fut la réponse du Braw Mortun avant qu'il ne se fonde dans la nuit des corridors.

Il détestait s'occuper des choses directement, mais son conseiller et homme de l'ombre était parti cherche un Vxôx, alors, il allait bien devoir mettre la main à la pâte.

Ce n'est qu'aux toutes dernières minutes de la nuit qu'un garde vint ouvrir la cellule de Korp, pour finalement lui faire signe de le suivre. Trente minutes après, Korp respirait l'air pur et l'odeur forte de l'humidité et de la forêt qui était unique dans tout le Wol'Drun - du moins eu égard à ce qu'il connaissait.

Korp constata qu'ils étaient passés par un passage secret qui ressortait à quelques pas des fenêtres du Palais, dans à la limite des jardins et d'un canal de Kulwul Dun.