Perdition

Les deux lunes voilées par d'épais nuages et aucun repère visible à l'horizon.

Le capitaine s'agitait et on pouvait respirer la peur au moindre mouvement de l'équipage.

Uruk n'avait pas besoin d'être un grand navigateur pour s'apercevoir que le Kaov perdait de l'altitude.

Et puis advint l'impensable.

Le capitaine se retourna vers lui son poing en avant.

-"Maudit sois-tu Uruk Ogg, puisses ta tête être séparée de ton corps et tes membres éparpillés ! Tu as refusé que nous ayions des Tans à bord et ils sont les seuls à savoir faire fonctionner la chaudière ! On va s'écraser maintenant !"

Les yeux d'Uruk s'étrécirent. Maudire un Paladin d'Yrotz ? Pour qui se prenait ce capitaine ? Il tendit la main et commença à serrer. Il appelait cela la "Main d'Yrotz". Le capitaine frémit tandis qu'il sentait la pression sur son propre coeur et que sa respiration se faisait de plus en plus difficile.

-"Bâtard !", réussit-il à dire.

Uruk Ogg s'avança lentement.

-"C'est vrai. Et alors ? Tu ferais mieux de te préparer alors que tu vas bientôt te présenter devant ton Créateur."

-"Vas te faire foutre, salopard de Paladin. Putain, y'a que des connards comme vous pour trouver attirante l'idée de crever !"

Le regard d'Uruk Ogg se fit plus sévère, ce qui échappa au capitaine à cause de la nuit et de l'affolement qui le gagnait, car il sentait son cœur commencer quasiment à s'arrêter de battre, soumis à la pression du sort du Paladin.



La scène s'arrêta là. Le Kaov était descendu jusqu'à frôler de trop prés la crête d'une colline de sable, garnie de pinacles, ces hautes pierres acérées. Le bruit de la coque raclant la point de ces derniers ne fut rien à côté du choc.

Uruk Ogg, parce qu'il était resté debout sans rien tenir, fut propulsé par dessus bord. Ce fut sa chance, car le Kaov était à ce moment au plus prés du sol. Il atterri certes sur le sol sablonneux, adoucissant sa chute, mais l'élan le fit rouler en avant et sa tête percuta violemment un pinacle. Il perdit connaissance.

Le capitaine fut jeté contre un plat bord en même temps que la pression sur son cœur cessait.
-"Crève bâtard !", fut son dernier cri avant que, éventré, le Kaov ne plonge définitivement vers le bas de la colline de sable et finisse par être mis en morceau en s'écrasant sur les pinacles les plus basses. Sa chaudière aussi fut éventrée, laissant échapper un nuage de vapeur brûlante qui brula l'enveloppe de cuir du gaz. Le gaz vint au contact du foyer ouvert de la chaudière.

Une immense boule de feu embrasa le lieu d'impact, tuant aussi sûrement que l'impact les Ekes qui avaient cru avoir survécu à l'échouage...

Quand il reprit connaissance, le Söleil était à son zénith. Par chance, le pinacle sur lequel il s'était assommé, ironiquement, l'avait protégé de son ombre.

Doucement, il se tâta le crâne, puis la tête, et, avec un peu de fébrilité, vérifia ses canines. Intactes ! Lui qui était si fier de ces dernières, qui d'ailleurs faisaient s'empourprer les jeunes Ekes qui le croisaient.

Il finit par vérifier chacun de ses membres et en conclut que, mise à part un solide mal de tête et une bosse de la taille d'un œuf de palombe, il s'en tirait plutôt bien.

Il réussit à se mettre debout, puis observa les alentours.


Il était sur légèrement en contrebas de la crête d'une dune couverte de pinacles. En bas, l'épave du Kaov était éparpillée sur des dizaines de mètres, certains morceaux n'étant plus que charbon. Des corps calcinés, voir pour certains démembrés, étaient visibles.

C'est alors qu'il avisa le Grick. Cet ignoble charognard s'attaquait aux corps morts, ce qui était intéloérable, car il était inconcevable qu'un Eke ne puisse pas se présenter en entier devant son Dieu, sauf à avoir été préparé pour cela par un Prêtre - sinon, il n'y aurait guère d'Eke pour s'engager farouchement en combat s'il ne savait être alors sous un statut qui l'aurorisait à se présenter dans son état au moment de la mort, car mourir au combat, qui plus est béni par un prêtre, ouvrait directement les portes du paradis, quelles qu'aient été les actions de l'individu.

Uruk Ogg ne se sentait pas en forme, mais en tant que Paladin d'Yrotz, il ne pouvait permettre ce qu'il voyait. Il se leva donc, saisit son épée bâtarde, et chargea aux cris de :

-"Justice ! Justice !"

Mais le Grick, aussi bête qu'il puisse être, n'était pas exempt de certaines capacités. Il détecta le mouvement et se prépara, résistant aux attaques d'Uruk. Pire, il frappa et Uruk eut un grand mal à repousser une des tentacules (-4PF).

Se faisant désormais face, le charognard et le paladin continuèrent leur étrange lutte pour la possession du cadavre Eke partiellement brûlé.

Le Grick se lança en avant et tout à sa concentration pour éviter d'être touché par un adversaire aussi formidable, Uruk Ogg parvint cependant à placer un coup décisif, qui fit frémir le charognard (-13PF).

Ce dernier réagit avec l'énergie du désespoir, autant de se sentir ainsi agressé que de risquer de voir disparaître non seulement un bon repas, mais une sacrée aubaine, tant il y avait de corps morts. Le Grick donna tout ce qu'il pouvait, Uruk Ogg ne pouvant que difficilement se défendre contre celles-ci, écartant même in-extremis une nouvelle frappe de tentacule (-5PF).

Il se sentait épuisé, mais il riposta avec vigueur et Yrotz guida sa main car son épée perça la défense du Grick, pénétrant dans sa tête et s'arrêtant au milieu de son cerveau (-10 répartis en 3 PF, et 7PV descendant donc le Grick à -5).

Le corps de serpent frappa plusieurs fois le sable, mais c'était trop tard.
Le Grick était mort.

Epuisé (reste 1 PF), Uruk Ogg lâcha son arme et tomba à genou.

-"Merci Yrotz, de m'avoir donné la force d'honorer ceux qui ne sont pas morts au combat, mais en accomplissant une noble mission qui leur avait été donnée. Je vais maintenant pouvoir les préparer à leur voyage pour qu'ils soient dignes de se présenter devant Toi."

Cela lui prit la journée, d'autant qu'il ressentait encore la fatigue du combat. Il réussit à rassembler les corps, qu'il ensabla rapidement ensuite. Il ne doutait pas que les charognards ne tarderaient pas à venir, mais ce qui était important, c'est ce qu'il fit ensuite.

Prenant son temps, il pria pour chacun d'entre eux, lui garantissant ainsi que, à partir de maintenant, ils pourraient se présenter en entier devant Yrotz, quoiqu'il advienne de leur corps.

Quand il eut fini, il arpenta une dernière fois la zone du naufrage et récupéra ce qu'il pouvait qui lui semblât nécessaire. A son grand agacement, il ne trouva pas d'eau. L'explosion avait dû tout anéantir. En revanche, il put récupérer de la nature. Mais il savait de part ce qu'on lui avait enseigné, qu'il aurait pu se passer de nourriture, mais pas d'eau.

Puis, il s'assit à l'ombre d'un Pinacle et attendit que la nuit tombe. Il put ainsi se reposer 2 heures, mais rien de bien suffisant pour lui permettre de récupérer. Cependant, il devrait faire avec. Marcher maintenant, quand la température allait chuter, cela pouvait faire la différence entre mourir ou survivre.

Il décida de partir vers le nord-est, ayant entendu dire par le capitaine qu'il y avait par là une cité répondant au doux nom d'Ikøuam’Drun, dont il avait entendu dire que plus haute tour servait à nourrir un feu gigantesque qui éclairait à des milles et des milles alentours, guidant le voyageur perdu.

Il en aurait bien besoin !