Le cirque de sable

9. << avant

Musique^^... Loreena McKennitt

Vivacia s’était préparée tout le reste de la journée à ce moment qu’elle appréhendait un peu plus à chaque instant qui la rapprochait de son entrevue avec les capitaines du Voldor. Oui elle savait se battre, oui elle était plutôt douée, du moins selon son maître d’arme, oui elle était particulièrement agile, mais elle ignorait tout de l’adversaire qu’elle allait affronter. Sans doute l’un de leur meilleur guerrier, histoire de voir ce qu’elle saurait faire.

Alors tandis qu’elle s’avançait en direction du cirque de sable, son assurance s’étiola un peu plus à chaque pas. Son assurance oui, mais pas sa détermination. Plus que jamais, elle était décidée à faire partie de l’escadre d’Or. Du reste, elle avait revêtu sa tenue d’apparat, bottes en cuir hors de prix, corset tout neuf, chemise ample, pantalon étroit qui mettait en valeur sa silhouette, un manteau aux énormes boutons que Dame Alminar’han lui avait offert, résignée à la voir oublier ses robes, et puis la touche finale, perles et porte-bonheur tressés dans sa longue crinière.

Il lui fut de plus en plus difficile d’approcher le cirque de sable, l’imposant arène construit par les résidents afin d’y organiser leurs manifestations, et toutes autres cérémonies festives. Une place naturellement adoptée d’emblée par les fréoles. Ainsi ayant appris la présence de l’escadre d’or, tous les habitants de Irkwalf Melomdra s’étaient rendus au cirque de sable pour assister aux quelques représentations que les fréoles voudraient bien leur offrir. C’était du moins le prétexte officiel, car pour plusieurs, c’était surtout l’occasion de faire tomber les barrières de la bienséance et des fameux principes moraux, pour se vautrer comme tant d’autres le prétendaient, dans le libertinage et la luxure.

De toute évidence, la soirée était à la fête, aux couleurs, à la joie et au plaisir, les rires résonnaient de toute part, les lampairs étaient suspendus partout autour d’eux, dans les gradins, et au dessus, grâce à d’étonnant filins qui grimpaient là-haut vers le ciel, retenus en leur sommet par une vessie multicolors. C’était la première fois que Vivacia voyait le cirque de sable ainsi, à croire que les fréoles eux-mêmes lui avaient donné une seconde vie, une vie de lumières et de couleurs. Lucioles vertes, rouge, jaune et bleue enchantaient les pupilles des plus jeunes, et tentures de tissu aux couleurs vives, égayaient le tout.

Et puis il y avait la musique, si vivante qu’elle était présente autour de chacun d’eux, envoûtant certains, les obligeant à se mouvoir, comme posséder par une soudaine magie. Vivacia y était particulièrement sensible, balançant sans se rendre compte, sa queue au rythme des tambours et tambourins, violons et violairs.
De telle sorte que se frayant un passage à travers la foule mouvante, elle ne réalisa pas de suite qu’elle avait atteint le cirque centrale, l’arène de sable ou déjà des danseuses aux tenues aériennes ondulaient au rythme de la musique.

A peine eut-elle posé le pied sur le sable encore tiède que les yeux de Djin se posèrent sur elle et aussitôt il s’avança.

10.

- Tu es venue, c’est bien.
Soudain intimidée, Vive hocha la tête. Bien sûr qu’elle était venue, comment pouvait-il en être autrement ?

- Tu arrives au bon moment. Je parlais justement de toi aux capitaines et ils aimeraient bien te connaître.

Les yeux de Vive s’écarquillèrent.
- Moi ?
- Oui toi, qui d’autres ? Allez viens.

Le cœur battant, elle le suivit, évitant le groupe de danseuse, sous les yeux de quelques curieux qui se demandaient qui était cette fille qu’on allait présenter aux capitaines du Voldor. Plus petite que Djin, il dut s’écarter quand ils furent parvenus devant les deux wols, histoire qu’ils voient à quoi ressemblait cette fameuse jeune wol dont on leur avait déjà parlé.

- Je vous présente donc Vivacia, aspirante défenseuse de l’escadre d’or. Elle aimerait vous montrer de quoi elle est capable

L’Amiral Lars’kin fit signe aux musiciens de cesser de jouer, tandis que le commandant Krôn, allongé sur son flanc, sur une litière précieuse observait la jeune wol des pieds à la tête, avec un air des plus dédaigneux, tenant à sa main un verre de vin d’orange.
Et Vive elle, eut l’envie de se cacher six pieds sous terre. Au lieu de quoi elle s’inclina dans une profonde et gracieuse révérence. Mais qu’est-ce qu’il lui faisait l’autre ? Elle n’avait rien demandé elle, et voilà qu’il la présentait comme celle qui allait leur faire la démonstration de ses talents, comme une wol arrogante et prétentieuse qu’elle n’était pas, même si oui, elle voulait leur montrer. Mais là ? devant tout ce monde ? Et présenté comme ça, elle avait soudain une forte envie de rebrousser chemin.

- Une défenseuse ? Voyez-vous ça ? Si je comprends bien, Djin, tu nous proposes un combat ?

Vive déglutit péniblement.

- C’est une excellente idée ! ça va plaire à nos hôtes et à notre équipage. Alors Djin qui penses-tu pouvoir lui proposer comme adversaire ?
- J’aurais aimé avoir ce privilège, mais pour pouvoir être à la hauteur d’un défenseur, il ne peut y’avoir qu’un Wol comme Yvanech.

La foule qui s’était tue, attentive aux paroles qu’ils pouvaient saisir, laissèrent échapper un murmure impressionné en entendant le nom du fréole. Comment cette si jeune personne pourrait elle gagner un combat contre leur Yvanech ?
Et quand là-bas, Vive vit une silhouette massive fendre la foule, elle comprit soudain le murmure des spectateurs.

- Par la barbe d’Hitsed !
- Hum ? Un souci Vivacia ?

Djin s’était penché pour le lui demander dans un murmure, face à une Vivacia qui grimaça un sourire très crispé.

- Non non, tout va très bien. Et bien euh.. je serai ravie d’affronter Yvanech, puisque c’est l’adversaire que vous me proposez.
- Tu es sûre ? Tu peux toujours te raviser, si tu préfères.
- NON !

Djin sourit en se redressant.

- Bien alors à toi de jouer Vivacia.

Et il s’écarta pour la laisser s’avancer sur le cirque de sable, tandis que face à elle, Yvanech le géant se campait tranquillement sur ses antérieurs, dans l’attente d’une attaque de son adversaire des plus particulières.

11.

Elle s’était fourrée toute seule dans cette grosse embrouille, à présent, il ne lui restait plus qu’à relever le défi, si impossible lui sembla-t-il à cet instant précis. Non, oublier ce mot, rien n’est impossible pour qui veut. Il suffit juste… de fermer les yeux, un bref instant, fermer les yeux et y croire si fort..
Se concentrer pour sentir le vent venir, se concentrer pour sentir les coups avant qu’ils ne pleuvent, esquiver pour ne pas être touché, esquiver encore dans l’attente du moment où elle trouvera sa faille. Concentration intense, tandis que le public lui se réveillait et scandait le nom de son guerrier fétiche. Qui aurait pu venir à bout de cette montagne de muscle ? Elle allait se faire écraser, il lui romprait les os et jamais elle ne se relèverait d’une telle défaite.. Pensée étrangère à la concentration de Vive, Vive qui ne pense plus que combat, coups, et parades si souvent entraînées.

Briller aux yeux des capitaines qui attendent la mise à mort ?

- Alors petite ? Tu te défiles ?
- Ne jamais croire que la supériorité de ta taille te donne l’avantage, ne jamais croire la victoire acquise d’avance, sans avoir même levé la main, sans avoir même touché ton adversaire. Ne jamais croire que tout est acquis sans se battre. Lui laisser le bénéfice du doute, lui accorder ses droits de combattant quel qu’il soit, le respect de celui qui est prêt à souffrir pour prouver sa valeur.

L’autre très peu habitué à parler, se laissa troubler par ces paroles à la puissante charge, au sens porteur, comme le vent, mais un vent qui ne lui avait pas donné l’intelligence de tout décrypter.

- Quoi ?

La réponse se résuma à une attaque de la jeune wol qui avait foncé si rapide, piquant l’épaisse fourrure de son sabre, marquant de rouge sombre le poil brun et dru, à la surprise générale, face à un public dont le cri traduisit son coup réussi. L’autre n’avait pas encore compris.

- A quoi tu joues moustique ? Tu crois que c’est cette piqûre qui va venir à bout d’Yvanech ?
- Même le petit moustique possède une arme infaillible contre le plus grand des guerriers.
- Quoi ?
- Une simple piqûre peut venir à bout de la force du plus grand des Wols.

Yvanech fit une grimace, agacé par ces paroles qui lui échappaient. Quoi ? Qu’est-ce qu’elle voulait dire ? Une simple piqûre n’avait jamais tué personne sauf si…
Vive n’avait pas attendu qu’il termine sa réflexion pour attaquer une seconde fois, zébrant la fourrure d’un second rai de sang rouge. Mais ce second coup et les moqueries de ses compagnons fréoles qui n’en revenaient pas qu’elle ait réussi par deux fois à le toucher, le mirent en colère. Et quand Yvanech était en colère, ce n’était jamais bon. Il chargea en y mettant toute sa force. Mais Vive était rapide, elle esquiva sans inquiétude cette première charge, tout en continuant son intarissable discours.

- Et ce n’est pas une charge de dix bœufs qui parvint à venir à bout de la sauterelle venue piller les récoltes.
- Arrête de dire des conneries !! Hurla Yvanech qui s’était tourné pour lui faire face, et s’élança en essayant de la frapper de son fléau.
- Rien ne sert de se précipiter, il faut savoir attaquer à point.

Vive avait encore esquivé le coup, énervant un peu plus le géant qui prit en main la hache qui pendait à sa ceinture.

- Ah tu veux jouer, et bien on va jouer !

De leur côté, les capitaines échangèrent un regard, pour l’un inquiet, pour l’autre lui signifiant de les laisser poursuivre. Il serait toujours temps d’intervenir si Yvanech allait trop loin.

- Jouer, ou combattre, la vie n’est après tout qu’un vaste jeu, et le combat devient secondaire, il suffit simplement de savoir placer ses armes. Mais ce ne sont pas les armes les plus tranchantes qui sont les plus efficaces. Alors le jeu n’en devient que plus intéressant !

Pour toute réponse, Vive obtint un nouveau hurlement et Yvanech fendit l’air de sa hache qui passa proche de Vive, sans la toucher toutefois. Mais si elle ne fut pas blessée, elle réalisa qu’elle n’avait porté pour l’instant que peu d’attaque et que plus le temps passait, plus elle perdait le combat, en jouant la carte de l’esquive, elle le savait, à moins de trouver le moyen de mettre ce géant hors de combat. Seulement si le verbe lui était facile, trouver une idée de génie alors qu’elle esquivait une par une les attaques d’un Wol en colère, n’était pas vraiment conciliable.
Il lui faudrait l’aide du vent, de la chance et du destin.

Yvanech était un Wol d'expérience. Mais il était aussi un typé doberman. Ce n'était pas les petites piqûres de Vivacia qui l'avaient agacé que sa façon de parler et de se moquer de lui.

Et il est un moment où on ne se contrôle plus, même si on est conscient de la nature du combat, à savoir qu'il n'y a aucun enjeu vital.

Yvanech se recula, laissant Vivacia bavasser. Puis, il se lança en avant avec sa botte, celle qui avait fait sa réputation. Celle qui avait tué nombre d'ennemis. Il se mit à tourner sur lui-même dans un véritable tourbillon avec sa hache. Vivacia tenta d'opposer sa lame et sa vivacité, mais Yvanech n'était plus qu'une lame de hache en rotation. L'épée de Vicacia fut littéralement arrachée de ses mains tandis que le manche de la hache, en course finale, s'abattit sur son avant-bras en le brisant (-7, soit perte de tous les PF et reste 1 PV).

Yvanech l'aurait sûrement tuée, si Djinn ne s'était pas précipité en voyant la botte du guerrier. Alors que la hache allait de nouveau s'abattre, elle rencontra le cimeterre de Djinn et dans une étincelle scintillante, le tourbillon fut immédiatement arrêté.

Aussitôt, Yvanech réalisa ce qu'il avait fait et lâcha son arme.

Mais Djinn ne lui laissa pas le temps de s'excuser. Déjà, il avait pris la jeune Vivacia dans ses bras et, attrapant un cerf-volant qui venait d'apparaître au-dessus de lui, il s'envola en direction du Voldor.

12.

Humiliée, elle se sentait humiliée et brisée. Oui brisée, c’était le cas de le dire. Le géant Yvanech ne l’avait pas ratée, il venait de lui briser le bras. La douleur était intense et vrillait dans tout son corps, mais malgré tout elle serrait les dents, tandis que Djin l’emportait à bord du Voldor. Ce fut une Vivacia tremblante qu’il déposa sur le pont, aussitôt entourée d’une foule de curieux, vieux fréoles restés à bord, autres sages ayant préféré la tranquillité provisoire du navire à la fête dans le cirque de sable, femmes enfants, trop de monde venus assistés à sa déchéance. Oh pire que ça, tout le Woldrun avait ce soir assisté à sa défaite, là en bas.

Fort secouée par ce qui venait de se passer, elle posa autour d’elle un regard voilé par la peine, non pas physique, mais surtout morale. Elle avait tant rêvé de ce moment, poser le pied à bord du Voldor et voilà que le tableau était entaché par son échec. Son rêve s’était brisé, comme l’os de son bras.

Deux curieux personnages s’approchèrent d’elle et commencèrent à l’examiner tout en échangeant une conversation plutôt compliquée. Des termes qui échappaient à la compréhension de Vivacia.

- Il va se ressouder
- Oui mais il va falloir l’immobiliser
- Et le bander
- Et le redresser
- Non ce n’est pas obligé
- Et s’il va mal se ressouder ?
- Nous saurons l’éviter.

C’était comme une étrange partie ou chacun se renvoyait la balle, et le regard de Vive allait de l’un à l’autre, couinant et gémissant à qui mieux mieux, au plus grand étonnement de Djin qui aurait cru qu’elle se serait montrée plus courageuse.

- Il faut l’emmener dans notre cabine.
- Il faut qu’on l’examine.

Ainsi fut fait, l’on mena Vivacia à la cabine-infirmerie avec moult précaution, jeune wol et son étrange cortège de curieux qui tous voulaient savoir, voir ce qu’ils allaient lui faire.
Mais Dumilag et Duvilag ne l’entendirent pas de cette façon et fermèrent la porte derrière eux, de sorte que l’on n’entendit plus rien si ce n’est un seul cri, puis le silence.

Djin comme les autres, attendait plus inquiet qu’il ne voulait le reconnaître. Tout ça était de sa faute, il avait voulu lui donner une leçon, mais la leçon était devenue plus sévère qu’il ne l’avait souhaité. Et du coup, il se sentait responsable de tout ça.

Soudain la porte s’ouvrit sur Dumilag qui l’observa avec un drôle d’air derrière ses verres épais, et se résigna enfin à le laisser entrer.
Ce qu’il fit avec quelques hésitations. Vivacia était assise sur une chaise, le bras en écharpe, son manteau posé sur le dossier, et Djin fut surpris de l’entendre encore pleurnicher.

- Tu as encore très mal ?
- Non, répondit Vive en reniflant et se détournant. Il ne manquait plus que ça.. qu’il la voie pleurer comme un bébé.
- On lui a administré un traitement
- Qui devrait voir son bras se réparer rapidement.
- Mais il lui faudra se ménager
- Ne pas exagérer.
- Pendant un mois laisser son bras se reposer.
- Pour qu’il puisse bien se ressouder.

Et Vive pleura de plus belle, devant un Djin de plus en plus perplexe.

- Ce n’est pas si grave que ça… tu vas guérir bientôt. Vous êtes sûrs qu’elle n’a plus mal ?
- Mais c’est pas ça !! pleurnicha Vive. C’est que.. *renifle *… à cause de ce bras cassé, les capitaines du Voldor ne voudront plus m’engager. A quoi leur servirait un éclopé ? hein ? C’est foutu pour moi…. Jamais je ne pourrai être enrôlée à bord… j’ai attendu ça depuis si longtemps…

Et elle se remit à pleurer devant un Djin qui soudain avait compris et sourit, rassuré.

Mais Djin n'eut pas le temps de la rassurer.

Car déjà arrivaient les deux capitaines, suivis par un Yvanech penaud. L’Amiral Lars’kin fut le premier à regarder le bras, faisant un signe de tête entendu vers les deux soigneurs. Puis, le commandant Krôn parla.

-"C'était stupide de notre part et pas très aventageux de désigner Yvanech pour ce combat. Il est trop impulsif."

-"Mais c'était un beau combat, capitaine !", intervint Djin. "Je n'ai pas connu beaucoup d'adversaires capables de toucher autant de fois Yvanech en un combat, au point de le mettre en rage d'ailleurs. Il faut être très douée pour cela. Il faut aussi avoir du cœur, du ventre et ne pas manquer d'esprit pour ponctuer son combat d'envolés."

Vivacia ne vit pas le sourire en coin de l'Amiral Larskin.

-"Oui, il faut être très forte pour blesser notre Hordier. Et j'ai beaucoup apprécié ta méthode jeune Vivacia."

-"Elle cherche à...", commença Djinn, mais il fut interrompu par le Commandant.

-"Allons, cette brillante combattante et joueuse de mots peut sûrement parler d'elle-même. Après tout, c'est le Voldor qui a été humilié par son choix d'Yvanech comme adversaire. Nous lui devons bien quelque chose, et la première, c'est de l'écouter."

13-
Musique ^^

Ses reniflements et petits gémissements de chagrin cessèrent aussitôt qu’elle vit entrer les deux capitaines. Précipitamment, elle s’essuya le museau de sa manche grâce à son bras valide, ses grands yeux bleus se teintant d’espoir. Elle avait le sentiment d’avoir raté quelque chose. Le grand wol qui était intervenu lors de son combat et l’avait portée à bord, louait ses qualités de combattante, et voilà que le commandant lui aussi n’avait que d’élogieux qualificatifs pour elle.

Le silence se fit dans la pièce tandis que tous les regards convergeaient vers elle. Sa chance… Sa chance, elle pouvait peut-être encore la saisir…
C’était à présent qu’il lui fallait placer ses coups, non pas d’une lame, mais d’une arme tout aussi efficace puisqu’elle avait réussi à faire sortir de ses gonds, un guerrier tel qu’Yvanech.

Elle bondit sur ses pattes bottées, et s’inclina devant les deux capitaines avant de commencer sur un ton solennel :

- Merci Capitaine, je suis très flattée par vos propos, mais je crains de n’avoir guère brillé ce soir, si ce n’est par le fait d’avoir échoué dans le but que je m’étais fixé. Oui voilà je vous l’avoue, cette histoire de vol était de toute pièce montée, afin de gagner ma place à votre bord. Je pensais avoir les qualités d’une défenseuse, mais monsieur Yvanech m’a montré que jamais je ne le serai… Tout ce que j’y ai gagné c’est une leçon d’humilité et un bras brisé…

Messieurs…

Elle mit un genou à terre.

- Je ne serai de toute évidence pas une vaillante guerrière, defenseuse, et encore moins hordière, mais si mes mots vous plaisent, si vous pensez que j’ai quelconque chance de trouver ma place à votre bord, je serai prête à vous prouver que ce choix, jamais vous ne regretterez.

Je m’appelle Vivacia Etincelle, et je ferai honneur au Voldor si seulement vous acceptiez d’engager une Wol au bras cassé, et à la dignité quelque peu entachée.
…
L’Amiral Lars’kin éclata soudain de rire, surprenant Vive qui se redressa. Le Wol posa un bras sur ses épaules et avec un franc sourire, déclara.

- Peut-être que tu manques juste d’entraînement pour le combat, mais en tout cas j’apprécie ta verve et que tu portes bien ton prénom, Vivacia. Je pense que le commandant ici présent, ne verra pas d’objection à ce que tu fasses partie de notre équipage. Et ma foi, je crois que ta place est toute trouvée. Le public a fait excellent accueil à ta prestation et j’aurai aimé revoir ça.
- Si vous souhaitez que je brise mon autre bras, ma foi !

Larsk’in rit à nouveau.

- Non non, rien de tout cela. Mais une chose est sûre, tu as un don pour le spectacle, si ce n’est pour le combat. Et nous autres, fréoles, nous sommes friands d’amusement. Justement, il nous manquait un troubadour à bord, afin d’entretenir la bonne humeur des compagnons de l’escadre. Je crois que c’est là, un rôle sur mesure pour toi, si toutefois tu l’acceptes.

Elle ne lui laissa pas le temps de revenir sur sa décision et laissa parler son enthousiasme.

- Oui ! Oui merci !

Vive fit une nouvelle révérence, mais oublia qu’elle venait de blesser son bras, et fit une grimace en se redressant bien vite. Il lui faudrait étudier de près ce que Troubadour à bord d’un navire fréole signifiait, mais à l’instant présent, tout ce qui importait, c’est qu’elle avait gagné sa place à bord.

Alors que les capitaines sortaient, Djinn vint prendre la joue de Vivacia dans sa main gauche.

- "Bienvenue dans la famille", dit-il avant de sortir à son tour.

Yvannech entra alors enfin, et c'est dansant sur un pied puis sur l'autre qu'il parvint à dire.

- "Pardon. J'voulais pas taper fort. Mais tu m'as énervé. Pardon."

14.

Vive regarda la porte se fermer sur Djinn, la main posée sur la joue qu’il venait de caresser. Ben lui alors qu’est-ce qui lui prenait ? Essayant de remettre de l’ordre dans un esprit qui était à deux souffles de l’éruption complètement délirante et hystérique, elle vit la porte s’ouvrir à nouveau sur le dénommé Yvanech. Et sous le regard vif de la jeune wol, le plus solide des wols de l’escadre d’Or s’excusa.

Vive le dévisagea sans réagir un instant. Il s’excusait de lui avoir fait mal ? Elle avait cru tout à l’heure qu’il allait la tuer. Elle réalisa qu’elle avait sous estimé son don pour agacer le monde grâce à son verbe. Et si son discours avait déplu et le mot est faible, au hordier de l’escadre, il avait ravi le public et c’était tout ce que demandait le peuple fréole.

Vive inclina la tête de côté comme elle le faisait parfois, puis fit la moue dans un air de profonde réflexion, le doigt appuyé sur son museau.

- Humm… d’accord à une seuuule condition !
- Euh oui ? laquelle ?
- Que tu n’essaies plus jamais de me tuer !

Devant l’air ébahi d’Yvanech, Vive éclata de rire et bondit sur ses pattes.

- Biennn, il est temps que je visite ma nouvelle maison !!! Tu sais ou je vais dormir moi ?
- Quoi ? tu vas rester à b…

Trop tard… Vive était déjà sortie, sans même attendre la réponse d’Yvanech qui en resta bête du coup. Cette fille était pire qu’un frelon. Réalisant ce qu’il venait de se dire, il gloussa tout seul, et repartit à ses propres activités, tandis que Dumilag et Duvilag protestèrent.

- Ce n’est pas prudent.
- Elle ne suit pas le traitement.
- Tant pis pour elle
- Si elle finit le bras en dentelle !

Dumilag dévisagea son frère et secoua la tête, ça c’était mauvais, vraiment mauvais. Et ils retournèrent faire de l’ordre dans le cabinet.

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