La poursuite

Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle a du caractère la petite.

Je lâche cette petite remarque à Korp avant de me diriger vers ce Dragmond. Oui, c'est un bon guerrier et à ses manières, c'est un chef.

Je monterai la garde avec toi, lui dis-je.

Mon ton ne laisse guère le choix mais je sens que ce n'est pas la raison qui le fait me suivre. De fait, quelque chose l'ennuie depuis qu'il a appris où nous étions. Il faut que je profite de ce moment pour avoir plus d'informations.

Alors, comme ça, vous jouez les filles et les fils de l'air pour échapper aux forces impériales ? Ne t'inquiètes pas. Korp m'a dit que vous n'étiez pas responsable de ce qui s'était passé. Même si, je m'étonne que des innocents fuient... Enfin, bref. Tu as l'air d'un Wol sensé. Je t'ai observé, et j'ai vu comme tu combats bien et comme cet autre Wol mort a tout fait pour te montrer son honneur au combat. N'aie crainte pour lui, Yrotz aura vu qu'il est mort noblement. Il aura une bonne place parmi les esclaves qui nous servent après la mort. Alors, qui êtes vous exactement et que faisiez vous dans un Drakalon ? Où était son capitaine ? Et les soldats qui sont toujours à bord ? Pourquoi n'y a-t-il que vous ?

Ozh'ne repliait sa voile quand la chienne blanche lui adressa la parole. Elle la regarda bizarre se demandant si elle était abrutie ou pas. Et pourquoi donc tout le monde lui posait-il des questions ?
Elle soupira...

tu prends ta gourde et tu la remplis.

Elle tira de l'eau du puits, se mouilla le museau, les babines et remplit son outre avant d'aller s'isoler à l'ombre d'un énorme rocher où elle but tout son saoul mais par petites gorgées.
Elle fronça les sourcils en repensant à quelque chose.
L'Oblique se releva en grognant et se dirigea vers "son" verdeux qui montait la garde.
Elle lui balança la gourde de flotte avec un sourire en coin.

Leçon du désert, bois tant que t'en as l'occasion.

et vu sa masse, de la flotte il lui en fallait surement beaucoup.
Elle fit demi tour aussitôt sans attendre sa réaction et retourna s'allonger à l'ombre pour somnoler.

Khâm'Sïn l'intercepta alors, les bras croisés.

Et bien, moi, je n'ai pas de gourde, et je ne lape pas. Je laisse ça à l'autre avec ses ailes qui se comporte tel l'Eke moyen. Tu n'aurais pas une gourde ou une outre, par hasard ?

67

Apres m'être désaltéré, je voulais me poser, tranquillement, me reposer. La route va etre encore longue, à pattes. Quand je fut surpris des ordres qu'on me lancait. Enfin, "on", c'est la Wol rayée, Julawaf je crois, qui se le permait.

-"Vous deux, vous avez l'air de bons guerriers. Et puisque toi tu as bu et t'es répandu, veuillez monter une garde toi vers l'Est et toi vers le l'Ouest. Je m'occupe du Sud."

Ai je bien entendu ou est ce le vent ?

"Pardon femelle ? Tu veux quoi là ? Tu es qui pour me lancer des ordres ? Va chier."

Je la regarde dans le blanc des yeux, l'air 'je m'en fou' puis regarde autour de moi pour trouver une place à l'ombre. Y avait un enorme rocher, et la Kite surfeuse Wol l'avait pris, puis s'en est allé pour aller donner de l'eau à l'Eke.

Je pris donc place là, au pied du gros rocher.

Vu qu’Ozhne avait donné sa gourde à l’Eke, la réponse à la question était simple

Non.

Cependant elle regarda la jeune Wol, son air précieux qui dénotait dans cette équipée.
Elle puait la riche abritée voire même le palatin à plein museau ce qui déplut à Ozh’ne.
Mais elle se rappela qu’elle-même avant de partir de chez elle n’était qu’une pousse sable.
Est-ce que cette jeune fille avait aspirée à sortir du carcan familial pour embrasser la vie d’obliques ?
C’était rare chez les riches mais il y en avait.
Ozh’ne sortit son bol de son sac et le lui confia

Tiens.
Mais il s’appelle Reviens.

Et elle retourna vers son rocher désormais squatté par le Wol qui tenait de l’oblique pillard des sables.
Elle s’arrêta debout près de lui et du bout de la patte, elle lui balança un peu de sable sur le ventre.

Pousse-toi.

C’était dit sans animosité, simplement Ozh’ne estimait qu’il y avait de la place pour deux d’autant qu’elle s’était installée là avant.

68

Au calme, à l'ombre et maintenant avec du sable sur le bide. J'avais à peine écouté les paroles de la tigresse, qui avait tout aussi bien le caractère que les rayures de cet animal. Mais j'avais entendu et enregistré ses paroles.

Dragmond avez eu de sages paroles, il voulait sans doute que ca ne dégénère pas.

"Quoi encore !" grincheux et mal léché. "Y a de la place pour deux, non ?"

Je me pousse sur le côté, lui laissant de quoi s'assoir aussi. Et j'ouvre un livre pour l'étudier.

Curieux... Il n'a pas tout à fait la version de Korp. Notamment, il ne parle pas de la Horde.

Très bien, vérifions.

Je me dirige vers la Wol silencieuse. J'ai pu noter qu'elle était sous la domination de ce capitaine. Sans doute est-il son maître. Mais les larbins ou les esclaves ont parfois la langue facile.

Cette fois, je vais tenter une autre approche.

Le capitaine Dragmond m'a dit que vous vous étiez échappés à cause de la Horde qui s'est révolté contre l'Empereur. Mais il n'avait pas le temps de me parler de tout ce qui s'est passé. Peux-tu me le raconter ?

J'observais la scène, perplexe... Je comprenais mieux maintenant pourquoi notre victoire avait été si rapide, si nette... En fait, les Wols n'auraient surement pas eu besoin de nous pour perdre la guerre. Ils l'auraient perdu tous seuls, comme des grands.
J'espérais au moins qu'en Eken-Tankra, personne ne se réjouissait de notre victoire sur ce peuple, car il n'y avait vraiment pas de quoi...
Et le pire dans tout ça, c'est qu'à les écouter, ce sont nous les brutes non-civilisées...

Je me dirigeais en silence vers le puits afin de me désaltérer.
Notre guide avait l'air de bien connaitre le désert. Je suivais donc son conseil : "bois tant que t'en as l'occasion".

Puis ensuite, toujours en silence, sans ordre, et sans rendre de compte à personne, j'allais me poster à l'endroit que le Wol n'avait dénier rejoindre.
Ce n'était ni par philanthropie, ni pour la sauvegarde du groupe... Simplement que je préférais voir la mort arriver quand elle fonçait vers moi.

54.

Vive leva le museau vers le grand vert, regard toujours aussi triste, daignant lui répondre parce qu’elle possédait tout de même quelques manières. Et c’est son cœur qui parla, sa langue libérée.

- Raconter ? Que pourrais-je raconter de plus que le commandant ne vous ai dit ? Et si quand bien même, je n’ai plus le cœur à raconter car aujourd’hui j’ai perdu un ami. Aujourd’hui j’ai appris que raconter ne suffit pas, mais qu’il faut savoir garder sa place quelque fois, aussi je préfère me taire, ainsi vous devrez vous contenter de la parole de mon commandant, seule la sienne importe, la mienne n’est que du vent.

Et parce que la survie était plus important que de s’apitoyer sur son sort, puisque ce n’était pas son genre, Vive se leva, alla se servir au puits et se dirigea vers son commandant.

- Y’a-t-il quelque chose que je puisse faire pour vous être utile ?
- Te reposer, garder tes forces pour la suite, c’est tout ce qui t’est demandé pour l’instant.

Vive hocha la tête, même si elle doutait de retrouver le repos, hantée par la vision de Djin s’écroulant sous le jet d’acide. Le ton glacial du commandant ne l’atteint même pas, elle en était presque soulagée, comme si elle appelait à une punition, cherchant à soulager le poids de la culpabilité. Elle allait retourner s’installer dans un coin quand le commandant la rappela, lui demandant à voix basse :

- Qu’est-ce qu’il te voulait? (signe du menton en direction d’Uruk)
- Il voulait plus de détail sur ce qui s’est passé à Kuwul Dun. Il voulait en savoir plus sur la horde.
- La horde ? Et que lui as-tu dit ?
- Que je n’avais rien à lui raconter de plus que ce que vous lui avez dit.

Le commandant hocha la tête et garda le silence. Elle hésita avant de tourner le dos pour aller se rassoir dans un coin, sous le soleil de plomb. L’endroit était totalement hostile, mais elle s’en moquait. Sans doute allait-il leur tomber d’autres catastrophes sur le museau, mais elle s’en moquait aussi….

Ozh'ne se posa donc sur le sol près de Lachard et reprit sa sieste.
Yeux clos elle somnolait, les mains posées à plats sur le sol pour sentir les vibrations.

Tandis que les discussions se tassaient peu à peu, le temps s'écoula. Seule une légère brise venait caresser les corps fatigués, qui avaient tendance à s'assoupir.

Le temps qui s'étire et attend, tandis que rien ne semble venir menacer cette petite aire de repos et de paix.


C'était comme si le temps s'était figé. Vues du ciel, les petites silhouettes se dressaient immobiles, allongées ou debout, économisant leurs forces alors que le Söleil était sur la course descendante, dans ces heures les plus chaudes du désert.

Pourtant, il faudrait bien que quelque chose se passe, que quelqu'un décide d'agir. Mais pour l'instant, personne ne se sentait de prendre le commandement du petit groupe. Chacun attendait sans doute que quelqu'un d'autre que lui en prenne le risque.

Il est vrai que les quelques éclats de voix n'avaient pas laisser transparaître une bonne ambiance au sein de ce groupe constitué par les événements et non par la volonté de ses membres.

69

Je fermais mon livre, content d'avoir pu trouver le temps de le lire, avec la concentration nécessaire. J'avais encore pas mal de chose à en tirer, mais pour le moment il fallait peut etre prendre des décisions.

Je me lève, m'étire avec un petit ronronnement, et contemple la course du soleil su le déclin. Le groupe semble toujours là... pas de mort ? Pas de départ précipité ? Puis je tapote mon ventre, et me place plus ou moins au centre du groupe Eko-Wolien.

"S'il vous plait, est ce que tout le monde peut tendre une oreille ?"

J'attends que ceux qui le souhaitent se rapprochent, avant de poursuivre, parlant plus fort pour ceux qui sont rester un peu loin.

"Bon, c'est pas tout ca, mais nous allons devoir prendre certaines décisions je pense et ensemble serait plus judicieux. Même si je suis conscient que nous ne sommes pas entre amis et qu'on va pas faire copain-copain et se taper dans le dos en se racontant de bonnes vielles histoires.

Nous sommes, par les évènements, un groupe. Ce qui doit sans doute imposer certaines règles pour la survis de tous. Et donc de savoir faire des concessions. "

Je regarde les attentifs, et ceux qui ont l'air de s'en foutre royalement.

"Il faut se décider de ce que nous faisons : nous campons ici ou nous reprenons la route ? Wol dont je connais plus le nom, mais qui est notre Guide actuellement, quelles sont les options de trajets ? Est ce jouable de reprendre la route maintenant ?

Et, qui d'entre nous à des vivres ? et pour combien de jour ? Si ici on a de l'eau et avons repris des réserves, pour la nourriture... c'est une autre histoire."

Oui, en tant qu'Eke, le fait d'être chef me revient tout naturellement. C'est du moins ce que j'aurais pu dire. Mais en fait, c'est plus compliqué. J'emploie la guide, et je la laisse décider de l'itinéraire, car mon but n'est que de comprendre ce pays et ce peuple. Je n'ai pas de chose précise à faire.

En l'occurrence, sur son initiative, nous poursuivons un Wol louche, dans une affaire qui me semble guère moins louche, celle du fils du Senteur de Vent.

Dans le fond, le sort de ce Senteur de Vent et de son fils m'indiffère. C'est juste un objectif pour notre voyage, parce qu'il en fallait bien un.

Maintenant, ce Wol aux ailes dans le dos, quelle chose curieuse quand même, me donne une solution pour les garder à mes côtés et en apprendre plus sur eux et sur ce Korp.

Je me lève et me tourne donc vers notre guide.

Tu sais qui nous poursuivons. Etre nombreux peut être un avantage, comme vient de le montrer notre combat contre ces créatures souterraines. Mais, cet avantage devient un désavantage au regard de ce que nous faisons, car nous perdrons notre discrétion. Enfin, je suppose que je ne t'apprends rien. Mon instinct me dit que l'affaire n'est pas simple et je crains qu'il faille mieux être nombreux. Peut-être devrions-nous juste nous organiser fonction des talents de chacun. Je sais que le mot organisation n'est pas vraiment dans votre vocabulaire, ce qui vous a valu de perdre la guerre, mais croyez-en un Eke : c'est pourtant l'ordre et la bonne distribution des rôles et des tâches qui, seuls, concourent au succès d'une entreprise. Penses-tu pouvoir continuer de suivre ce Wol pressé de quitter le village avec tout ce monde avec nous ?

Ozh'ne s'était levé au début de la discussion et avait à présent la mâchoire qui se décrochait de stupéfaction.
Elle s'approcha d'Uruk Ogg et répondit d'une voix basse et grondante.

hein ?
hé ho je suis la guide d'une seule personne ici, c'est toi, pour trois mois et parce que tu me payes.
Nan mais franchement ils m'ont bien regardé ?
J'suis PAS une pousse sable, j'suis une Oblique !

Elle y tenait, elle avait lutté pour et s'était privée d'une vie confortable et bien encadrée pour la vie sauvage et libre.

Alors déjà qu'ils arrêtent tous de m'appeler guide !

Et elle se détourna, leur tournant tous le dos.
Si elle avait été honnête avec elle même, elle aurait admis qu'avoir une responsabilité sur un groupe la terrorisait.
Elle même et un verdeux (parce que c'est pas grave de perdre un verdeux après tout) et c'était bien assez !
De trois quart elle leva le museau vers l'Eke et ajouta


Je sais où on doit aller.
Le nombre de personne n'influe pas sur la route à tracer mais sur le temps qu'on mettra à la faire.
Aucun n'est équipé pour le désert, on a mis deux fois plus de temps à rejoindre les collines que ce que je pensais.
Et ils n'ont même pas de gourdes !

Elle avait bien compris que pour une obscure raison, l'Eke ne voulait pas se séparer du groupe, elle pensait que c'était à cause de l'autre Eke sans comprendre pourquoi, aussi se retint-elle de mentionner l'Oasis (Uruk lui faisait suffisamment peur pour qu'elle ne risque pas de le mettre en colère) mais son regard était éloquent.

Elle n'est pas contente, mais au moins elle ne se rebelle pas. Maintenant, au milieu des siens, cela aurait fait désordre. C'est un bon point pour elle.

Bien, j'espérais qu'elle aurait le souci des siens, mais je vois que les Wols sont encore plus indépendants que certains Ekes.

Je cherche donc un nouveau soutien.

Julawaf m'a expliqué qu'on ne pouvait abandonner personne dans le désert. C'est une vieille loi chez vous. Je ne voudrais pas que vous ne l'appliquiez pas à cause de ma présence. Nous devrons donc admettre d'être plus lents, mais faire notre chemin ensembles. Il nous faudra remplir tout ce que nous possédons d'eau, je suppose. Difficile de savoir où est le prochain point d'eau, je suppose, puisque nous ignorons quelle route nous allons devoir suivre. Alors autant être prudent.

70

Cela ne servirait à rien de répondre à ses paroles, et je suis pousse sable tout comme elle. Je connais ces règles et je les comprends très bien. Mais aucune chaine ne me retient et j'ai mon propre esprit de décision.

Les anciens... les codes... les règles... tout ceci nous enferment. Maintenant, nous sommes ici et on doit prendre une décision. Je ne pourrais sans doute pas poursuivre seul, j'ai besoin d'eux. C'est un fait, et bien malgrès moi, je dois accepter cette vérité.

J'écoute et ne bronche pas, et mon regard passe d'un interlocuteur à l'autre.

Toujours à mon poste de garde, j'avais écouté la discussion, jaugeant chacun des membres du groupe.
L'épisode du puits avait été un bon révélateur de chacun.

Je vous suivrais.

Puis je repris ma surveillance, attendant que les autres se prononcent.

55.

Vive sortit de son apparente apathie pour dévisager les uns et les autres, oreilles aux aguets, à l’écoute de la moindre parole échangée. Elle était inquiète et ça se voyait à l’agitation de ses oreilles. Comme les choses semblaient stagner, elle finit par se lever, sans avoir su se reposer autrement qu’en restant assise. Puis se dirigea vers le commandant.

- Quand est-ce que nous retournons au Voldor ?

Elle avait failli dire chez eux, mais quelque chose la retint, la crainte peut-être de le voir s’emporter.
- J’aimerai bien que cela se fasse dès l’instant, mais il semblerait que nous dépendions de ces pousse-sables.

Elle le regarda se redresser à son tour pour s’approcher du grand vert qui lui avait posé toutes ces questions toute à l’heure. Signe de nervosité, Vive agita sa queue. Elle se méfiait de lui, comme de tous les Ekes du reste. Elle pensa au magnifique vaisseau et à son escadre. Quand ils auraient rejoint le Voldor, elle écrirait quelques vers pour Djin, pour honorer sa mémoire, car pour l’instant, c’est tout ce qu’elle avait trouvé pour tâcher de se racheter un peu, si une telle chose était possible. Avec un soupir, elle partit s’installer sur le petit promontoire rocheux qu’avait occupé son capitaine jusque là, montant la garde à son tour, histoire de faire quelque chose d’utile, ne pas rester les bras ballants.